Patrick Sébastien

Grande gueule, grand cœur, il fait exploser l’audimat et ne se prend pas la tête pour autant. L’ancien rugbyman balance ses vérités. 

Retour en arrière. Nous sommes en 2006, à Brive La gaillarde.
Quel genre d’enfant et d’adolescent est le petit Patrick Boutot ?

Ca va vous surprendre mais j’étais tout sauf un enfant clown. J’étais très bon élève. J’étais en avance même en amour. Je me suis marié à 16 ans. A l’époque, j’étais encore au lycée et j’étais le plus jeune marié de France. Ca ne plaisait pas au proviseur qui avait voulu me faire redoubler. Alors j’ai quitté l’école et j’ai passé mon BAC en candidat libre. Ensuite j’ai fait une fac de Lettres. Je voulais devenir prof de lettres. Mais il fallait que je pense à nourrir ma famille. Alors je suis parti travailler. J’ai commencé par le porte-à-porte en vendant des Encyclopédies. C’était pas la panacée, mais ça m’a appris à parler.

L’imitation et vous, ça a commencé comment ? Racontez-nous vos débuts ?

J’ai commencé vers 12 ans. Les premières personnes que j’ai imitées, c’était De Gaulle et Adamo dont j’étais fan. Et puis au rugby, dans le car, j’ai continué pour faire rire les copains. C’était les années 70, j’en garde des souvenirs de liberté totale et de bonheurs extraordinaires. A la télé on voyait arriver le strass et les paillettes. Elle n’était pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Il y avait encore de beaux rêves à ce moment-là. Alors je suis parti à Paris sans connaître personne… J’ai acheté l’Officiel et j’ai appelé tous les cabarets. Finalement, le jour de mes 21 ans, c’est le patron de « La main au panier » un cabaret restaurant dans le 5ème arrondissement qui m’a donné ma chance. 20 minutes d’imitations pour 30 Francs à l’époque, mais j’étais ravi.

Comment vous définiriez-vous aujourd’hui ?

Je suis un saltimbanque. Aujourd’hui, je suis libre. Mais cette liberté, je l’ai payée très chère. Si j’avais fait des concessions avec les grandes chaînes, j’aurais pu gagner 1000 fois plus. Mais ma liberté n’a pas de prix. A la fois, présentateur, producteur, chanteur… Moi ce qui me plaît vraiment c’est de voir des gosses chanter mes chansons. Je vis très loin du show-biz. Je vis entre le lot près de Rocamadour ou j’ai une maison, Toulouse où sont installés mes musiciens et mes bureaux de Paris. En fait je suis quelqu’un qui est toujours en surcharge.

Aujourd’hui votre émission « Cabaret » réalise en moyenne 6 millions de téléspectateurs ? Estimez-vous avoir réussi ?

Les audiences, c’est une mesure pour les journaux et les journalistes. Cette émission existe depuis 9 saisons. Nous, on est contents mais ce qu’on cherche c’est avant tout de rester fidèle à notre public. Mais toutes ces questions d’audimat et d’audiences, tout ça c’est loin de nos valeurs. Vous savez, je suis un peu le dernier des Mohicans dans le milieu de la télé aujourd’hui. Je n’ai pas voulu vendre mon âme, c’est pour ça que j’ai gardé ma propre maison de production. Je ne veux pas dépendre des autres. Mais la télé que nous faisons, est appelée à mourir. La télé d’aujourd’hui est entrée dans un système de recherche de profit à tout prix.

Voilà 32 ans que vous faîtes de la télé ? C’est un univers qui n’est pas tendre. Qu’est-ce qui vous pousse à continuer ?

Ce n’est pas le succès qui m’intéresse mais j’ai la chance d’exercer un métier que j’aime. En fait je crois que je suis un grand veinard. Je vis toutes mes passions en même temps. 9a m’oblige à vivre sur un certain rythme de vie. En général je me couche à 6h30 et je me lève vers 13 h et ça depuis 30 ans. J’aime la nuit. Je ne pourrais pas avoir des horaires de bureau ni me battre dans la jungle du petit écran. Magic TV notre maison de production est très familiale. La plupart des gens qui travaillent avec moi sont des amis de 20 ans. C’est ça dont je suis le plus fier. Le succès c’est relatif. C’est un miroir aux alouettes. Si demain je disparais du petit écran, je serai remplacé dès le lendemain. J’ai beaucoup de défauts, mais si j’ai bien une qualité, c’est d’être intègre. Le hic, c’est que dans ce métier c’est un défaut. Ne pas respecter sa parole, tordre le cou aux uns et aux autres, c’est commun. Mon plus grand succès c’est de ne pas tricher, ni avec les autres ni avec moi-même. Quand on est môme, on se promet des choses. Pour moi ma plus belle victoire c’est que le gamin que j’étais pourrait, je crois, s’asseoir à côté de l’adulte que je suis devenu sans vouloir lui cracher dessus. Enfin le luxe suprême c’est d’avoir fait ce métier en totale liberté.

Votre meilleur souvenir ? Le pire ?

Des bons souvenirs, j’en ai des tonnes, le dernier, c’était à Olympia. C’était plein et tous mes copains étaient autour de moi. Le plus mauvais en revanche ça restera les journalistes. Tout ce que j’ai lu sur moi. Tous ces crachats et ces jugements péremptoires. Ca a été difficile à supporter. Je n’aurais jamais imaginé en prendre tant dans la gueule juste pour faire rire les gens.

Vous venez de publier « Putain d’audience », quel était le but de ce livre ? Vous aviez des comptes à régler ?

Ce livre c’est un état des lieux sur la TV, j’y évoque les états d’âme que j’ai ressenti en 20 ans de TV. J’ai voulu confier au public une peinture de la TV vue de l’intérieure. Au début quand je suis arrivé, c’était encore la préhistoire. Il y avait 3 chaînes. A l’époque notre émission « Carnaval » était regardée par 22 millions de téléspectateurs ! On était contents mais ce n’était pas ça qui nous importait. Aujourd’hui l’audimat, il n’y a plus que ça qui compte. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ne sont pas des chiffres réels. Ce ne sont que des sondages. Mais ce n’est pas grave dans ce monde-là, on bousille et on flingue sur un sondage. Par rapport aux débuts, il y a eu un véritable basculement. Aujourd’hui, c’est l’argent qui est devenu maître de la TV. Et sa la loi est régie par les publicitaires. Oui, la TV m’a permis de gagner beaucoup d’argent, je ne le nie pas. Mais ce qui me dérange, ce sont ces gens arrogants et satisfaits qui résonnent en terme de tranches et qui découpe le public comme on tranche du saucisson.

Si la télé vous a apporté le succès qu’on connaît, vous dîtes dans votre livre, qu’il vous a poussé au bord du suicide en 1996 ? Qu’est-ce qui était donc si lourd à porter ?

C’est toute cette pression médiatique dont je parlais plus haut. Pour quelqu’un d’intègre, la Tv est un monde sans pitié. Si tu ne fais pas attention, elle te fais devenir quelqu’un que tu n’es pas. Pour moi, ça a été un ras le bol. A ce moment-là, je voulais tout arrêter. C’est ce qu’on appelle une dépression. Elle a failli me faire tomber. Mais il y en a d’autres qui tomberont. Il ne faut pas oublier que la télévision est le premier pouvoir en France. Chacun de nous passe en moyenne 4 heures par jour devant son petit écran… C’est extrêmement dangereux. Je ne suis ni aigri, ni justicier, je sais que je n’y changerai rien, je fonctionne simplement avec d’autres valeurs.

Vous êtes toujours resté fidèle au service public. Pourquoi ? C’est un de vos traits de caractère ?

J’ai quitté TF1 car leur politique ne représentait pas l’idée que je me faisais de la télévision. Il pourrait mettre 200 millions d’Euros sur la table pour me faire revenir, je resterais chez moi.

Vous avez toujours dit que vous trouviez la télé réalité complètement nulle. Pourtant le concept de votre émission « Intimes convictions », c’est quand même un peu ça quelque part non ?

La téléréalité, c’est tout ce qui passe à la télé aujourd’hui. Même le 20 heures, c’est un très bel exercice de téléréalité. Moi, la télé que j’execre, c’est celle qui montre des mecs qui vont bouffer des vers pendant que la moitié des gens dans le pays dans lequel ils ont filmés crèvent de faim. Faire de l’argent, oui, je ne suis pas contre mais pas au détriment de la dignité humaine. Pour moi c’est à prendre ou a laisser. Je trouve ces spectacles abominables et même terribles. Mais ce qu’il faut aussi comprendre c’est que le spectateur est aussi responsable que ceux qui font les émissions. CVomme dirait Coluche « il suffirait que les gens arrêtent d’acheter pour que ça ne se vende plus. »

Avec l’audimat que vous faites, vous pourriez faire de la politique… Ca ne vous dirait pas ?

Non, alors ça non, surtout pas. D’ailleurs ça ne m’intéresse absolument pas. Je ne voudrais pas être obligé de mentir en permanence… Même si les hommes politiques sont en train de voler la vedette aux artistes, ces hommes et ces femmes sont de plue en plus médiocres. Le show médiatique qu’ils nous fait actuellement relève plus de la Star’Ac que d’une véritable action politique de fond dans l’intérête du pays. Sur ce point là, je suis vraiment très inquiet. Non mais c’est vrai, regardez, cette semaine Fabius et Hollande sont sortis du château. Il n’ont pas un programme politique mais un programme de prime time. C’est pathétique. Bientôt pour les élections, ça sera, « pour voter pour Ségolène « Tapez 1 » pour Nicolas « Tapez 2 ». Et à côté la presse se gargarise car ça fait de l’audience. Mais il y a un jour où ça explosera.

En 2007, vous voterez pour qui ?

S’il faut voter, je voterai pour Ségolène Royal.

Vous avez 53 ans. Le temps qui passe, ça vous effraie ?

Oui. Mes 52 ans je ne les ai pas vu passer. Dans ma tête j’ai toujours 14 ans et je suis toujours aussi espiègle. Comme en 68, j’ai les mêmes idées de révolution permanente et d’amour libre. Je suis resté scotché à cette époque. Pas de casque, ni de ceinture. J’ai une nostalgie profonde de cette époque. Si une baguette magique pouvait me faire revenir dans le temps, j’y repartirais tout de suite.

La retraite, vous y pensez ?

Jamais. De toute façon, je mourrai avant. Sans doute à cause de la cigarette. La retraite, ça sera quand je ne banderai plus. C’est plus fort que moi, ce mot, j’arrive pas à l’encaisser. De toute façon, l’âge, les générations et tout le toutim, pour moi ça n’a jamais vraiment compté. Tenez, j’ai été élevé par ma grand-mère. J’ai moi-même une petite-fille qui a 15 ans. Je pourrais déjà être arrière grand-père à 53 ans. Pourtant je ne me vois pas demain avec une canne et marchant plié en 2. Non, décidément, la notion de temps est vraiment très éloignée de moi.

Et que faites-vous de votre Temps Libre ?

Quand j’ai du temps. J’écris. Mais je vis un peu à l’envers et pour moi les loisirs c’est mon travail. Un loisir rémunéré en quelques sorte. De toute façon, en vacances je m’emmerde. Et puis c’est un bonheur de faire ce qu’on aime qu’on a pas vraiment l’impression de travailler. Quand j’étais petit je rêvais souvent devant la piste aux étoiles et aujourd’hui c’est moi qui la fais. C’est pas génial ça ?

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