Le retour applaudi de Stéphane Freiss au Théâtre des Nouveautés

Après une pause au cinéma, le succès de Miracul’House, Stephane Freiss revient sur les planches dans une comédie astucieuse de Francis Veber, Un animal de compagnie, au Théatre des Nouveautés.  Rendez-vous pris au Bel Ami à Saint-Germain-des-Prés. Il gare aisément sa Fiat 500 vert anis. Un lundi soir, c’est relâche au théâtre. Le comédien est détendu, joyeux, amical. Il commande un jus détox, s’enfonce dans les coussins, se confie.  

Propos recueillis par Corine Moriou

« La vie est une bataille. On y glisse des joies, des rires et des youppies »

Vous jouez actuellement Un animal de compagnie au Théâtre des Nouveautés, une pièce de Francis Veber et vous semblez y prendre beaucoup de plaisir.

J’y mets toute mon énergie, le public rit, se divertit. J’en suis heureux. Les spectateurs ont souvent un temps d’avance et m’orientent pour ajuster mon jeu. Pendant les répétitions et après le démarrage de la pièce le 19 janvier, je tournais pour une série française Nina et une série italienne Questo nostro amore ? Un peu fatiguant les retours de Rome le mardi après midi pour être sur scène le soir. Mais très stimulant !

Dans la pièce, le poisson rouge joue le rôle du psy. Vous êtes planté devant son bocal et vous lui parlez.

Pour répéter mon rôle, il m’a fallu acheter un poisson rouge. Il est devenu mon animal de compagnie. Je lui parle, il ne me répond pas. Son nom c’est Pignon (du nom du héros du Dîner de cons) auquel Gérard Jugnot prête sa voix off. Pignon fait office de psy auprès d’un couple qui part à la dérive. Il intervient très peu comme les psy, mais finalement s’il se taisait, ce serait peut être aussi bien !

Pouvez-vous vous identifier vous à Henri, le personnage principal, qui reste avec sa femme après 20 ans de mariage ? Il désirait un enfant, mais elle a privilégié sa carrière de décoratrice. Il est trop tard. Alors elle lui demande un Yorkshire. Lui arrive avec un poisson rouge.

Il faut replacer votre question dans le contexte, notre époque. En 2017, je ne sacrifierais pas une histoire d’amour pour avoir un enfant. Je resterais avec la femme que j’aime. Faire un enfant dans le monde qu’on nous propose me semble un acte inconscient ! Donc je suis très à l’aise dans ce rôle.

Votre vie est bien différente. Avec votre femme Ursula, vous avez trois enfants Camille, 21 ans, Ruben, 18 ans et Bianca, 9 ans. Vous êtes comblé ?

Ma femme, photographe, moi, acteur, nous sommes dans le questionnement sur soi ; cela soude notre couple. A nos enfants, c’est difficile de leur dire qu’ils vont avoir un avenir fantastique. Lorsque j’avais 18 ans, tout était alors possible ! Aujourd’hui, il y a des questions pratiques et matérielles assez brutales. Comment allons-nous y arriver ?

Votre philosophie de la vie ?

La vie est une bataille. On y glisse des rires, des joies et des youppies. Il faut faire ce qui est bon pour soi. Si après 25 ans de mariage, je suis avec la même femme, c’est que c’est bon pour moi. Mais on peut avoir une vie différente et heureuse. Pourquoi pas cinq histoires d’amour ? Pourquoi pas une vie dissolue ? Mon meilleur ami vit ainsi et s’en porte bien. J’adore que l’autre ne pense pas comme moi.

La spiritualité dans votre cheminement ?

Un monde sans spiritualité est un monde très pauvre. La religion est dénuée de spiritualité. Elle est un dogme qui sépare les gens. Je n’aime pas le débat sécuritaire en ce moment. Il divise les gens et ne règle pas les problèmes.

Vous avez soutenu Nicolas Sarkozy en 2012. Pourquoi ?

Je n’ai pas supporté qu’on descende Nicolas Sarkozy pour ses dérapages. C’était la mise à mort d’un juif d’Europe centrale ! Inacceptable, j’ai eu envie de le défendre. De la gauche progressiste, je suis allé vers la droite.

Et maintenant, à la veille de élections présidentielles ?

Je ne sais pas, je m’interroge… Tout est chamboulé.

Un bon souvenir au théâtre pour l’acteur moliérisé ?

L’illusion comique de Corneille, mise en scène par Giorgio Strehler au théâtre de l’Odéon. J’avais 25 ans. Quand j’ai le moral en berne, je pense à ce moment de bonheur. C’était bien, l’histoire d’un jeune immigré tchèque, de James Saunders en 1992 au théâtre La Bruyère m’a permis effectivement d’obtenir le Molière de la révélation théâtrale et a marqué mon parcours. La Jalousie de Sacha Guitry, en 2001, c’était euphorisant. Mais aussi Brooklyn Boy de Donald Margulies, en 2004, sur le thème de la fuite de son identité.

Chouans de Philippe de Broca vous a lancé au cinéma aux côtés de Sophie Marceau en 1989.

Oui ce fut ma première grande expérience qui m’a valu le César du meilleur espoir. Plus tard, je garde un bon souvenir de 5 X 2 de François Ozon, avec Valeria Bruni Tedeschi. Les cinq séquences de la vie d’un couple en démarrant l’histoire par la fin.

Les livres que vous avez aimés ?

La promesse de l’aube de Romain Gary. L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera. Plus récemment, Une vie française de Jean-Paul Dubois.

Vous êtes un comédien aux talents multiples. Tout vous intéresse. Tantôt au cinéma, tantôt au théâtre, tantôt à la télévision. Une carrière en France et en Italie. Mais il y a une constance, vous avez souvent des rôles de séducteur. Vous les recherchez ou ces rôles viennent à vous ?

C’est vrai que même si je joue le rôle d’un con, comme par exemple dans La Jalousie, je vais faire en sorte de rendre ce con séduisant. C’est plus fort que moi. Pour le film Camus, Laurent Jaoui, m’a demandé d’éviter de séduire. Cela a été une véritable souffrance. C’était tellement tentant ! Mais j’ai eu d’autres rôles où je ne jouais pas sur ce registre, cela me va très bien.

Quel est votre principal trait de caractère ?

Je change d’avis comme de chemise. « C’est une question d’hygiène et de propreté », disait Jules Renard.

 Etre comédien, c’est le moteur de votre vie ?

Il y a six ans, j’avais perdu l’envie, comme si j’avais épuisé mon capital (il a alors 50 ans). J’avais besoin de me confronter à ma fantaisie, à mon imaginaire, à mes rêves. J’ai écrit, réalisé et joué It’s Miracul’House. Ce court métrage a obtenu des prix et a fait le tour du monde dans plus de 25 pays. Petit film, grand succès ! J’ai repris alors goût à mon métier.

Cela vous a incité à écrire un nouveau scénario ?

Actuellement, je termine l’écriture d’un long métrage. C’est l’histoire d’un écrivain qui doit se rendre à un salon littéraire au Moyen Orient. Il est bloqué à la frontière en Syrie et il rencontre une femme. Ces deux êtres égarés dans la vie vont s’interroger sur leur identité, se nourrir l’un de l’autre, s’aimer. Je vois bien Yaël Abecassis, une actrice israélienne, dans le rôle féminin. Pour le personnage masculin, c’est en réflexion !

Bio Express

1960 : naissance de Stéphane Freiss le 22 novembre, à Dijon
1977 : Cours Florent, puis la Comédie Française
1988 : Chouans de Philippe de Broca. César du meilleur espoir masculin
1992 : Obtient un Molière dans C’était bien de James Saunders
2003 : 5X2 de François Ozon
2005 : nommé au Molière dans la catégorie Molière du comédien pour Brooklyn Boy
2008 : Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon
2011 : It’s Miracul’House (court métrage) de Stéphane Freiss joué avec Stéphane Freiss, Prix du Public
2017 : Un animal de compagnie de Francis Veber

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