Gers : le fabuleux Musée de l’Histoire du Costume de Monika Mucha

Au cœur de la Gascogne, près de Condom, faites un détour par le Musée de l’Histoire du Costume. Un lieu unique en Europe imaginé et mis en scène par la styliste et créatrice Monika Mucha.

Par Corine Moriou texte et photos

Monika Mucha avec un mannequin portant une robe espagnole Renaissance et deux pandores (poupées) voyageant de cour en cour © Photo Corine Moriou

Le Gers recèle bien des trésors cachés. Sur la route de Valence-sur-Baïse, un bustier, en guise de panneau indicateur, nous indique que nous arrivons à destination, au lieu-dit « Le Cluzet ». Nous voilà au bout du monde chez Monika Mucha et son compagnon Michel Blancard, un natif de la région, décorateur et metteur en scène de théâtre. Nul voisin à l’horizon. Dans un grand parc sauvage de plusieurs hectares, il y a une maison de maître, un gîte rural, deux chambres d’hôtes, une piscine, des arbres magnifiques, des hamacs et surtout une grange qui abrite le fabuleux Musée de l’Histoire du Costume de Monika Mucha. C’est un lieu unique en Europe avec plus de 150 costumes, de Cro-Magnon à la femme futuriste de Luc Besson. Découvrir cette fabuleuse collection dans la campagne gersoise est pour le moins insolite et nous amène à mieux faire connaissance avec son inspiratrice.

Des robes de ses poupées aux costumes des comédiens 

Robes Second Empire © Photo Corine Moriou

Monika Mucha, d’origine tchèque, mais née en Allemagne, est une femme hors du commun. Dès qu’on la rencontre, on est séduit par sa personnalité joyeuse, débordante de créativité et de générosité. Petite nièce du célèbre peintre et affichiste Alfons Mucha, elle s’amuse à confectionner des tenues pour ses poupées qu’elle jugeait mal attifées. « Avec des robes à crinoline, j’en faisais des princesses plutôt que des paysannes ! », commente-t-elle avec son délicieux accent chantant de l’Est. Plus tard, elle habille ses amies pour des soirée élégantes, découvre la magie des costumes de l’Opéra de Munich, se glisse dans les coulisses. Pour faire plaisir à sa Maman, elle suit un cursus en sciences sociales et études théâtrales. Mais elle ne rêve que de tissus flamboyants, de coups de ciseaux justes et précis, de formes ondulantes pour embellir les silhouettes. Sa passion la rattrape ! A Paris, dans le quartier bobo du 9 ème arrondissement, elle ouvre « Les Ailes de la nuit » et exerce le métier de styliste et costumière. De fil en aiguille, pendant plus de vingt ans, elle crée des habits et des accessoires pour les comédiens de théâtre, les protagonistes de spectacles en tous genres. Elle est connue sur la scène parisienne pour son inventivité et son empathie. Elle entre dans le rôle d’un comédien et lui fabrique l’habit qui va l’inspirer, sublimer son jeu. Le cinéma, la télévision, la publicité font également appel à elle. Les Happy Few viennent dénicher dans sa caverne d’Ali-Baba le costume, le loup, la perruque qui feront mouche dans une soirée parisienne, à un bal, au Carnaval de Venise. L’Opéra de Paris, le Moulin rouge, le Lido, le Cirque de Paris, le musée du Cheval à Chantilly… ils ont tous besoin de Monika, la fée aux doigts d’or. Un incendie dans sa boutique, un deuil familial, puis un accident alors qu’elle jouait dans une pièce de théâtre l’obligent à faire un break, à réfléchir. « J’étais gravement blessée à une épaule, épuisée, lasse. Pendant un an, je n’ai pas travaillé », soupire Monika l’hyperactive habituée à la semaine de 35 heures en deux jours. J’ai décidé de vendre la boutique et de m’installer dans cette grande bâtisse du Gers. Ce n’était pas simple pour moi de tourner le dos à mes amis, à la vie parisienne culturelle et artistique. Mais je portais en moi le projet de créer un musée du costume. » Après quelques années de travail acharné, le musée est né en juin 2014. Dans la région, Monika devient une source de curiosité et la fierté des locaux. On fait appel à elles pour des manifestations diverses. Ainsi, lors des Journées européennes du patrimoine, les 21 et 22 septembre 2019, elle « habille » le théâtre municipal de Condom avec quelques-uns de ses mannequins costumés.

Un musée, une mercerie et de nombreuses créations 

Robes années 20 dont une robe et un manteau Paul Poiret au centre, tenue Paco Rabanne à droite © Photo Corine Moriou

Visiter le musée de Monika suppose un mode d’emploi spécifique. Nous bénéficions d’un spectacle privé. La créatrice du lieu se consacre entièrement à nous, faisant tour à tour office de conférencière, conteuse, romancière… Elle nous fait partager ses connaissances approfondies du costume acquises auprès d’experts, d’auteurs érudits, de recherches dans toutes les bibliothèques du monde. Sans son grand savoir, elle n’aurait jamais pu monter un tel musée. Nous sommes admiratifs de tant d’érudition et de modestie ! Elle nous invite à nous asseoir sur une chaise, puis sur une autre afin de goûter chaque tableau composé de mannequins costumés qui jalonnent le parcours. Tour à tour, elle nous présente Elisabeth 1er d’Angleterre, la Marquise de Sévigné, d’Artagnan, Cambacérès, Sarah Bernhardt dans des costumes rares, parfaitement entretenus. « J’ai pris le parti pris de m’intéresser aux classes favorisées. Je suis plutôt côté cour que côté jardin, car il y a plus de richesse donc plus de diversité dans les costumes », explique notre guide. Les siècles défilent sous nos yeux. Années 20 : le corset saute grâce à Paul Poiret, Madeleine Vionnet et Madame Grès. Les femmes aux longues silhouettes, colliers de perles et fume- cigarettes, s’émancipent, bougent dans leurs robes. On s’extasie devant les corsets et bodys des Dorris Sisters du Moulin Rouge, la robe de gala de Régine Crespin avec ses plumes d’autruche, la robe Paco Rabanne, les chapeaux et bijoux Christian Lacroix… Tout nous subjugue. Mais d’où viennent toutes ces merveilles ? « J’ai réalisé la moitié des costumes, chapeaux et autre fanfreluches exposés. Par exemple, la réplique de la robe de Marilyn Monroe lors de son célèbre « Happy Birthday Mr President », fait partie de ma collection. D’autres tenues proviennent de mes voyages en Inde, Chine, Syrie, mais aussi de brocanteurs et d’antiquaires qui me connaissent. Le Musée des Arts Décos m’a fait une donation de 70 costumes », lâche Monika, la costumière dont la vie ne ressemble pas à celle d’une Princesse. Les pieds sur terre, pragmatique, elle a repris une mercerie « Quand les poules auront des livres », à Condom, sur la place du Lion d’Or, en 2016. Monika, la star de la Toscane gersoise, n’a pas les dents longues. Dans ce cocon onirique, elle se serait bien contentée de vendre des bobines de fils, des livres et des jouets. Mais que voulez-vous, la passion ça ne se maîtrise pas. Elle a des fans dans tout l’Hexagone et au-delà. Alors rien d’étonnant que les commandes de costumes affluent. L’agenda de l’ex-parisienne est à nouveau très très rempli.

En savoir plus :  www.monikamucha.fr, monika.mucha@orange.fr, Téléphones : 05 62 28 01 94/ 06 14 21 86 94

A voir sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle 

Monika Mucha devant sa mercerie à Condom
  • Valence-sur-Baïse, l’abbaye cistercienne de Flaran et ses étonnantes collections de peinture.
  • Condom, la cathédrale Saint-Pierre, son cloître, la statue des mousquetaires et d’Artagnan. Prévoir la visite du musée de l’Armagnac, une halte à La Librairie Gourmande, une maisonnette de trois étages qui a été transformée en salon de thé.
  • Larressingle, cité médiévale où les commerçants jouent le jeu avec des animations et des tenues d’époque. Expositions, boutiques dont celle de Dame Cunégonde qui a une galerie d’art et une chambre d’hôtes au château.
  • Les chais d’Armagnac dont Armagnac Ryst Dupeyron.

Plan de l'article :

Laisser un commentaire

3 + 7 =